20 octobre 2008

INSPIRATION DE L'ÉCRITURE Part 5



L'annotateur de Paley dit dans une note : « Il a paru, il y a quelque temps, la traduction syriaque de trois Epîtres d'lgnace, par les soins de Cureton. Cette publication nous permet d'affirmer que les petites Epîtres, éditées par Usher, renferment des interpolations". Plusieurs choses résultent des passages que nous venons de citer :

l) Que toutes les Epîtres attribuées à Ignace sont apocryphes à l'exception sept qui portent son nom.

2) Que la grande copie est altérée d'après la généralité des critiques, à l'exception de Whiston, et de quelques-uns de ses partisans, et ne mérite aucune confiance.

3)Que la petite copie donne lieu à des doutes très graves, et présente, de l'aveu de ceux-là mêmes qui en soutiennent l'authenticité, des interpolations qui corrompent le texte et lui ôtent toute autorité. Il n'est pas impossible, dans cet état des choses, que cette copie ne soit l'œuvre d'un faussaire du 3e siècle, ce qui ne doit pas nous étonner, vu que cette pratique était non seulement usitée, mais considérée comme bonne dans les premiers siècles du Christianisme.

On a inventé plus de 75 Evangiles et Epîtres attribués à Marie, à Jésus, et aux Apôtres, pourquoi trouverions-nous surprenant qu'on eût forgé aussi sept Epîtres, et qu'on les eût attribuées à Ignace, de même qu'on a forgé un commentaire attribué à Tatien ? Adam Clarke dit dans sa préface : "Le commentaire original de Tatien est perdu, et celui qui existe maintenant sous ce nom est d'une authenticité fort douteuse". En admettant même que ces Epîtres soient d'Ignace, cela ne servirait de rien du moment que le texte en est altéré. On reconnaît qu'il s'y trouve des interpolations, qui nous assure que les passages, qu'on allègue en faveur de l'authenticité des Evangiles, ne sont pas aussi de ce nombre ? De la part de telles gens, cela ne doit pas nous étonner.

Eusèbe (Hist. IV. 23) rapporte ces paroles de Dionysius, évêque de Corinthe, au sujet de ses Epîtres : "Comme des Frères m'ont demandé d'écrire des Epîtres j'en ai écrit, mais les apôtres du diable les ont remplies d'ivraie, en y changeant quelques choses et y ajoutant d'autres ; un grand châtiment leur est réservé. Il n'est, donc, pas étonnant si quelques-uns ont tenté de corrompre les paroles du Seigneur, du moment qu'ils ont tenté la même chose sur des ouvrages qui ne méritent pas d'être comparés avec elles".

Adam Clarke dit dans sa préface : "Les grandes compositions d'Origène sont perdues, et il ne reste que ses commentaires. Cependant, la fréquence des mythes et des allégories qu'on y remarque ferait croire que ces travaux ont été remaniés après Origène". Le savant protestant Michel Mechaqa dit dans son ouvrage arabe intitulé, "Réponse de l'Eglise Evangélique aux Erreurs des Traditionnaires" (part. I. chap. X.) : "quant aux doutes qu'on avance à l'égard des ouvrages des anciens pères, nous allons les dissiper. Mais il nous faut auparavant donner quelques éclaircissements, pour ne point procéder au hasard, à l'exemple de nos contradicteurs. Ainsi l'Eucologe attribué à St. Jean Chrysostôme, et qui est récité dans les Eglises pendant le service de la consacration, présente autant de textes différents qu'il y a de rites.

Chez les Grecs orthodoxes, on demande au père Céleste d'envoyer son Esprit-Saint sur le pain et le vin en les changeant en chair et en sang ; mais les Grecs catholiques demandent à Dieu d'envoyer son Saint-Esprit sur le pain et le vin pour qu'ils se changent et se transsubstantient (se convertissent) en chair et en sang; mais sous le patriarcat de Maximos Madhloum , les derniers mots ont été remplacés par 'changés et convertis' pour s'éloigner de plus en plus des orthodoxes, qui prétendent que la transsubstantiation ne s'accomplit que par cette prière. L'Eglise Syriaque catholique dit : « Envoie ton Esprit-Saint sur ce pain qui est le mystère du corps de ton Messie », et on n'ajoute rien qui puisse faire croire à la transsubstantiation. C'est là peut-être le texte véritable de Jean Chrysostôme, car la doctrine de la transsubstantiation n'avait pas encore été nettement définie de son temps.

Mgr. Babita, évêque de Sai'da, qui causa un schisme au sein de l'Eglise orthodoxe et se fit Catholique, dit dans une allocution adressée au Sacré-Collège de Rome en 1722 : 'Je possède des Eucologes (rituels) de notre messe en grec, en arabe, et en syriaque ; je les ai comparés avec l'édition faite à Rome par les religieux de Saint Basile ; on n'y trouve aucun mot se rapportant à la transsubstantiation. Cette chose a été ajoutée au rituel de la messe orthodoxe par Nicéphore, Patriarche de Constantinople, et elle est vraiment ridicule, à la bien examiner'. Mais si en Eucologe, composé par un des pères les plus vénérés chez les Chrétiens de l'Orient et de l'Occident, et qui se récite journellement dans l'Eglise des différents rites, a pu être altéré et corrompu selon les vues et les intérêts des sectes et des partis, et avec cela continuer d'être effrontément attribué à l'auteur primitif, quelle garantie avons-nous que le même procédé de falsification n'a pas été appliqué aux écrits des autres pères ? Nous citerons ici un autre fait qui est à notre connaissance personnelle.

Le diacre Gabriel ElQobty, Grec-Catholique, avait corrigé la traduction du commentaire de l'Evangile de Jean par Chrysostôme sur le texte grec, travail qui lui coûta beaucoup de peines et de dépenses. Les docteurs de l'Eglise orthodoxe, les plus compétents en grec et en arabe, examinèrent ce travail à Damas, en reconnurent la scrupuleuse exactitude, et en prirent une copie avec soin et précision. Mais le Patriarche Maxime ne voulut pas en permettre l'impression, au couvent de Chouêir, avant de l'avoir fait examiner par le père Alexis, prêtre Espagnol, et par Youssef Jaâjâ, prêtre Maronite, qui ignoraient complètement le grec ; ces deux prêtres remanièrent la copie d'après le texte adopté par l'Eglise Romaine.

Après avoir ainsi gâté ce travail, ils apposèrent au bas leur approbation, et le Patriarche en permit alors la publication. A l'apparition de la 1ere partie, les orthodoxes la collationnèrent sur la copie qu'ils avaient prise de l'original, et qu'ils conservaient chez eux, y découvrirent les nombreuses altérations qu'on lui avait fait subir, et s'empressèrent de divulguer le fait, ce qui causa au pauvre Gabriel un chagrin si fort, qu'il en mourut". Plus loin le même auteur dit : "Citons encore, à ce propos, un livre arabe qui se trouve entre les mains de tous ; c' est le recueil des actes du Concile du Liban, approuvé dans toutes ses parties par le Sacré-collège, concile qui était composé de tous les évêques maronites, du patriarche et des docteurs de la nation, sous la présidence du délégué apostolique. Le dit recueil a été imprimé au couvent de Chouéïr avec l'autorisation des chefs de la communauté Grecque-Catholique.

Or, voici ce qu'on lit dans cet ouvrage : 'Il existe dans notre Eglise d'anciennes liturgies, qui, bien qu'irréprochables comme fond, n'appartiennent que par le nom aux saints auxquels on les attribue. Il en est d'autres composées par des évêques hérétiques, qui ont été introduites à dessein dans le texte par les copistes"' Michel Mechaqa ajoute : "Cet aveu, fait par tous les évêques maronites, que plusieurs parties de leurs liturgies sont des pièces fabriquées doit nous suffire". Il dit plus loin : "Nous savons ce qu'on a pu faire dans notre siècle éclairé où l'œil, sans cesse en éveil, des Gardiens de l'Evangile, retient les falsificateurs en échec ; que ne doit-on pas avoir osé du 5e au 7e siècle, lorsque les papes et les évêques, dont la plupart ne savaient même pas lire, constituaient pour ainsi dire un Gouvernement barbare et absolu, et que les Chrétiens de l'Orient étaient occupés à se défendre contre les violences et les oppressions des conquérants ?Mais ce que nous savons de ces temps-là ne peut que nous faire déplorer le sort de cette Eglise du Christ, qui était, alors, corrompue des pieds jusqu'à la tête".

Après cela peut-on encore douter de la vérité de mes affirmations ? Le Concile de Nicée n'établit que 20 canons. Et bien ! on a trouvé moyen de les altérer et de les augmenter aussi. Les Catholiques invoquent, pour établir la suprématie du Pape, les canons 37 et 44 de ce Concile. Voici ce qu'on lit dans l'ouvrage, "Les Treize Epîtres", publiées en 1849 (Ep. 11. pp. 68, 69) : "Le Concile de Nicée n'a établi que 20 canons, ainsi qu'on peut le voir dans Théodoret, dans Gélase. Dans le 4e Concile OEucuménique on ne cite que 20 canons du Concile de Nicée". De la même manière, on a composé de fausses Epîtres sous le nom de plusieurs papes, de Calixte, de Sergius, d'Alexandre.Le même auteur des "Treize Epître" dit, aussi, (Ep. 11. p. 80) . "Le Pape Léon, ainsi que la plupart des théologiens catholiques, reconnaît que les Epîtres attribuées à des papes sont fausses".

Examinons maintenant le second point, celui de l'inspiration des Evangiles de Marc et de Luc, auxquels, dit-on Pierre et Paul ont collaboré. Je dis qu'il y a ici une erreur grave au point de vue critique. Irénée a dit : "Marc, le disciple de Pierre, a écrit après la mort de Pierre et de Paul les choses que Pierre avait enseigne .es par ses Prédications". Lardner dit : "Je crois que Marc n'a pas écrit son Evangile avant 63 ou 64, car on ne peut raisonnablement assigner, à la résidence de Pierre à Rome, une date antérieure. Cette date s'accorde avec le témoignage d'Iréné, qui dit que Marc a écrit son Evangile après la mort de Pierre et de Paul. Basnage dit aussi que Marc a écrit son Evangile en 66, après la mort des deux Apôtres, qui, d'après cet historien, auraient souffert le martyre en 65".

D'après Irénée et Basnage, la composition de l'Evangile de Marc serait, donc, postérieure à la mort de Pierre et de Paul, et on ne peut accorder aucune autorité à la tradition, d'après laquelle, Pierre aurait collaboré à cet Evangile. C'est pourquoi l'auteur du "Guide de ceux qui cherchent la vérité" ( Mourshed-Ettalihin) dit, malgré sa partialité (p. 170, éd. de 1840) : "on a prétendu que l'Evangile de Marc a été écrit avec le concours de l'Apôtre St. Pierre". Cette expression, "on a prétendu", montre que dans la pensée de l'auteur cette tradition n'a pas de base. De même, Paul n'a pas pu voir l'Evangile de Luc, pour deux raison :

1) Parce que, d'après l'opinion générale des savants protestants, la composition de l'Evangile de Luc remonterait à l'année 63. On sait que c'est dans l'année 63 que Paul a été mis en liberté, et que depuis cette époque on ne connaît rien de son histoire ;on croit généralement qu'à sa sortie de prison, il alla en Espagne, et dans d'autres pays de l'Occident. On sait d'autre part que Luc a composé son Evangile en Achaïe, en Orient. L'opinion qui semble la probable, c'est que Luc envoya son Evangile à Théophile, auquel il le destinait, aussitôt après l'avoir terminé. L'auteur du "Mourched-Ettalibin" (p. 161) dit : "Luc a composé son Evangile en 63 en Achai'e". Rien ne prouve que Théophile eût vu Paul postérieurement à cette date, ce qui rend très invraisemblable la tradition que Paul ait pris connaissance de l'Evangile de Luc.

Horne dit ( Œuvres, vol. IV. p. 338, éd. de 1822) . "Luc ne nous ayant rien dit à l'égard de Paul après sa sortie (la sortie de ce dernier) de prison, on ne sait absolument rien au sujet de cet Apôtre, depuis l'année 63 jusqu'à sa mort". Lardner dit ( Œuvres, vol. V. p. 530, éd. 1827) . "Nous voudrions maintenant faire connaître l'histoire de St. Paul depuis ce moment (c'est-à-dire, sa sortie de prison) jusqu'à l'année 63. Mais Luc ne nous donne ici aucune indication, et les autres livres du Nouveau Testament ne nous fournissent que très peu de détails. les pères de l'Eglise sont tout aussi sobres de détails, de telle manière qu'on ne sait pas même dans quelle direction il est allé après sa sortie de prison". On ne sait donc rien sur cette partie de la vie de Paul, et rien ne nous autorise à croire qu'il ait visité les Eglises orientales.

On lit dans l'Epître aux Romains (XV. 23, 24) . "Et maintenant, ne pouvant plus habiter dans ces pays, et désirant depuis longtemps venir vous visiter, je vous verrai en allant en Espagne". L'Apôtre dit lui-même ici qu'il a l'intention d'aller en Espagne, et il est probable qu'il ait mis à exécution ce projet à sa sortie de prison. On lit dans les Actes (XX. 25) : "Je sais maintenant que vous ne me verrez plus, vous tous, auxquels j'ai prêché le royaume de Dieu". Cela démontre qu'il n'avait pas l'intention de résider en Orient. Clément de Rome dit dans son Epître aux Corinthiens que Paul, "ayant enseigné au monde la parole de la justification, est venu aux extrémité de l'Occident, et, ayant souffert le martyre, il s'en alla au lieu saint". Donc Paul n'a visité aucune Eglise d'Orient.

2) Lardner, après avoir rapporté les paroles d'Irénée, dit en outre ."Il résulte de l'enchaînement des phrases que la composition de l'Evangile de Luc est postérieure à celle de Marc, et à la mort de Pierre et de Paul". Ainsi donc, la tradition suivant laquelle Paul aurait connu l'Evangile de Luc, ne repose sur aucun argument sérieux. Elle serait vraie qu'elle ne prouverait rien, puisque, pour nous, Paul n'était pas inspiré, et il ne pouvait donner à d'autres ce qu'il n'avait pas lui-même.
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