31 janvier 2011

Conception islamique de l'eau

Dans la conscience islamique, l'eau est à la fois la source de la vie, un don divin et le breuvage de savoir.En sus de cela, l'eau a également une valeur purificatrice, puisqu'elle sert à purifier le musulman de l'extérieur (corps) et de l'intérieur (âme).Le fait d'approvisionner les tiers, qu'ils soient humains ou animaux, en eau est assimilé à une zakat (impôt légal) en islam.En effet, le musulman doit enlever sa souillure en prenant son bain rituel avant la prière, ce qui donne à l'eau une importance capitale.C'est pourquoi aucun foyer et aucun endroit n'en sont dépourvus que ce soit au Caire, à Rachid, à Cordoue, à Fès, à Baghdad, à Damas, à Ispahan ou à Boukhara.En tant que moyen de purification, l'eau a été à l'origine de la veine esthétique et même poétique incarnée par «l'urbanisme aquatique», qui s'était développé dans les grandes villes du monde islamique, notamment en Andalousie et dans ses palais de rêve. Dans ces palais, en effet, on remarque qu'une influence beaucoup plus grande est exercée sur les sens, en particulier l'influence visuelle des éléments d'ornement de l'art islamique.De fait, l'harmonie des lumières et des ombres, mise en évidence entre les motifs ornementaux riches en décors végétaux et en mosaïque dorée, était toujours appuyée par les éléments aquatiques qui s'insinuaient dans les somptueuses salles en tant qu'éléments décoratifs, voire architecturaux incontournables dans les palais andalous.Pour un musulman, la méditation de l'eau en pleine nature ou entre les murs d'une maison renforce chez lui la conviction de l'existence de Dieu, auteur de cette manne.En plus du murmure des eaux, qui procure quiétude et paix intérieure, l'eau transfère la nature vivante et anime à l'intérieure des environnements architecturaux clos pour en faire des jardins de marbre et de plâtre.Elle favorise également l'illumination du petit espace architectural où elle coule et ce, à travers les lumières qu'elle reflète en les propageant dans tous les sens, comme tout corps céleste sans lumière propre.De même, en pénétrant le corps liquide, les rayons solaires sont décomposés par le prisme en couleurs spectrales, tel un signe précoce et éphémère du paradis.Par sa transparence, l'eau contribue aussi à la mise en valeur de la beauté de la mosaïque multicolore au fond des fontaines et des bassins d'ornement.De plus, prenant la forme de son entourage, l'eau se présente tantôt comme un torrent impétueux, tantôt comme un puissant jaillissement qui s'élance pour retomber juste après, dans un mouvement proportionné. Dans la plupart des cas, l'eau garde une surface douillette et scintillante dont la tranquillité n'est troublée que par le déferlement de vagues, sous l'impulsion du vent ou de chutes abondantes.Les princes d'Andalousie voulaient associer la conception religieuse et coranique de l'eau et son aspect esthétique. Ainsi, dans les ornements intérieurs des piliers de leurs palais, le concept du jardin était le thème récurrent. La nature extérieure, que forment les arbres, les roses, les fruits, le ciel et l'eau, est égalée par un autre jardin situé, lui, dans l'enceinte de ces palais et formé d'arbres en marbre (piliers), de roses et fruits en fil (décors végétaux), de voûtes en mosaïque en plus de l'eau qui demeurait l'unique élément à garder sa vitalité, vu l'impossibilité de la transformer en nature inanimée.Tout cela procède de la passion que vouaient les musulmans aux jardins, peut être parce que ceux-ci étaient l'unique source de fraîcheur dans un environnement désertique inhérent à la société arabe.Avec l'avènement de l'islam, en tant que message réformateur et innovateur, il a entériné certains usages en vigueur, mais a déclaré caducs tous les concepts qui consacraient la propriété individuelle de l'eau et conféraient le droit absolu de sa mise à profit. Car l'eau, au même titre que toute autre chose, est la propriété du Créateur, et en tant que tel, doit être disponible pour tout le monde. C'est ainsi que l'eau est devenue un bien commun à tous les êtres humains. Personne n'a le droit d'en disposer à discrétion, de s'en attribuer la propriété ou de le vendre, comme l'affirme le hadith du Prophète selon lequel « les gens se partagent trois choses : l'eau, le pâturage et le feu «. En effet, ce hadith interdit à l'homme de s'attribuer, individuellement, la propriété de trois éléments cités et, partant, prohibe la vente de l'eau. Mohamed Ibn Ishâk raconte, d'après Abdullah Ibn Abou Bakr, d'après Omar, d'après Aïcha, que Dieu les bénisse, qui a dit : «Le Messager de Dieu, Paix et Prière sur lui, a prohibé la vente de l'eau».Commentant ce hadith, Abou Youssef a dit : «l'interprétation que l'on peut donner à ce hadith est peut être que (le Prophète) a prohibé sa vente avant qu'elle ne soit mise en détention, ce qui ne peut se faire que par des récipients et des ustensiles, et non par les puits et les bassins(78. Ainsi donc, le hadith interdit la vente de l'eau. Mais selon l'interprétation du cadi Abou Youssef, la vente peut être tolérée pour ceux qui fournissent un effort dans le ramassage et la préservation de l'eau dans des pots appropriés. Dans un autre hadith, raconté par Jaber Ibn Abdullah, on lit : «le Prophète, que la Paix et le Salut soient sur lui, a prohibé la vente de l'excédent d'eau». Dans son interprétation de ce hadith, l'Imam Nawawi a écrit ceci : «Concernant la prohibition de la vente de l'excédent d'eau dans le but d'empêcher l'irrigation des pâturages, cela veut dire que lorsqu'une personne dispose d'un puits en rase campagne et que l'eau qu'elle contient dépasse largement ses besoins, alors qu'il existe, à proximité, un pâturage dépourvu de points d'eau de telle façon que les bergers ne peuvent faire paître leurs bêtes que s'ils peuvent les abreuver par la suite à partir de ce puits. Dans ce cas, le propriétaire dudit puits ne doit pas empêcher les troupeaux d'avoir accès à son excédent d'eau. Au contraire, il se doit de le leur fournir sans contrepartie, car s'il le leur interdit, les bergers ne pourront faire paître leurs troupeaux par crainte de ne pas pouvoir les abreuver une fois qu'ils auront soif, et il s'ensuit que l'interdiction de l'eau implique l'interdiction de paître(80). Ainsi donc, selon le hadith et son interprétation, proscrire l'accès à l'eau mène à la proscription de l'accès à deux biens publics, à savoir l'eau et l'herbage, ce qui est formellement interdit.Avec le temps, les concepts de harîm et de hîma, qui impliquaient une propension tribale à s'adjuger la propriété de l'eau et des droits d'exploitation et de défense des points d'eau, se sont développés pour acquérir un sens plus pratique dans le cadre des enseignements de l'islam.Le harîm prend une signification différente suivant la nature des ressources hydriques (sources, puits, ruisseaux) et suivant l'abondance des eaux au niveau de chacune d'elles. En apportant cette jurisprudence, l'islam entendait parvenir à une distribution équitable de l'eau sur la base de critères précis comme l'état de cette denrée dans le sous-sol et le mécanisme de son mouvement.

Seconde.Minute

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