A plusieurs reprises je me suis retrouvé sollicité, bon gré mal gré, lors de tentatives de réconciliation au sein d'un couple. J'espère donc que cet article permettra un échange ou au moins un enrichissement des débats au sein des forums de ce site sur la base de l'expérience de chacun et de chacune.
Les expériences d'un couple à l'autre sont très différentes, et lorsque les traditions s'en mêlent, il devient alors relativement difficile de savoir quel modèle pourrait convenir.
Pourtant, celui ou celle qui cherche à se marier ne se pose souvent pas toutes ces questions et plonge la tête la première dans l’aventure féerique du prince charmant et de sa princesse…
Est-il possible de vivre une vie conjugale féerique ? Est-il possible d'être heureux et épanoui dans sa vie de couple ?
Puis les enfants arrivent et les relations conjugales changent encore : le couple est à nouveau mis à l'épreuve…"M'aimes-tu comme autrefois ?"
Des études américaines attestent qu'un couple n'a plus rien à se dire après sept ans de vie commune alors que dans nos contes de fée, l'histoire se finit toujours en disant qu'ils vécurent heureux jusqu'à la fin de leurs jours…
Qui croire alors ?
Doit-on devenir pessimiste à une époque où l’on voit autour de soit de plus en plus de couples rompre après plusieurs années de mariage ?
Le but n’est pas de critiquer ces ruptures (elles restent autorisées en Islam même si elles font partie des choses licites les plus détestées par Dieu Tout Puissant) mais plutôt d’essayer de remonter à la source des conflits qui sont souvent à l'origine de ces déchirures (ce mot convient, à mon sens, car il souligne bien le rapprochement intime qui s'opère lors d'un mariage à l'image d'une page blanche uniforme, une unité en somme). Et face à toutes ces ruptures auxquelles nous sommes témoins aujourd'hui, combien sont vraiment justifiées ? Pour combien d’entre elles il n'y avait vraiment plus rien à faire ?
A mon intime conviction, l'essentiel des conflits vient surtout des incompréhensions issues d'une mauvaise connaissance de la psychologie de l'autre. Un effort devrait donc être développé dans ce sens, afin de mieux comprendre l'autre sexe. Pour cela, je vous renvoie à certaines études contemporaines réalisées sur les psychologies masculines et féminines, en particuliers celles de John Gray développées dans son ouvrage "Les hommes viennent de Mars et les femmes viennent de Vénus". On y apprend comment l'autre sexe réfléchit et perçoit ce qu'on lui dit. Dieu sait ô combien les hommes en ont besoin ! Combien d'entre eux, une fois mariés, sont surpris que leur tendre épouse soit offusquée devant un mot prononcé ou une inattention auxquels ils sont habitués entre "hommes".
Quelquefois, à cette différence fondamentale s'ajoutent des différences culturelles qui nous conditionnent dans la perception que l'on a du monde et qui sont souvent à l'origine d'à priori que l'on développe sur la vie de couple, sur la femme, sur les rôles de chacun. On vient avec un modèle de vie de couple. On veut reproduire un schéma tel qu’il est dans notre esprit et on se casse les dents... L'époque de nos parents n'est déjà plus la même que notre époque et celle de nos enfants sera différente encore. Il faut donc privilégier une compréhension et des principes plutôt qu'un schéma statique que l'on veut instaurer.
En se mariant, l'homme se retrouve souvent dans des positions embarrassantes. D'un côté il a sa maman pour qui il doit porter une affection, un respect et une tendresse irréprochables. D'un autre côté, il construit de nouvelles relations d'amour avec une femme encore étrangère. Souvent la belle maman et les belles sœurs se sentent investies d'une mission pour mettre en garde leur homme contre "l'étrangère". Ses paroles, son comportement sont passés au peigne fin!
Il faut absolument que l'homme reste neutre et trouve la bonne distance entre sa vie conjugale et ses relations familiales. Il ne doit pas prendre position pour sa famille ou sa femme mais plutôt faire la part des choses dans ses différentes relations.
Voilà encore une source de conflits très fréquente. Faire comprendre à sa maman que l'on préfère ne pas évoquer les détails de sa vie de couple n'est pas faillir à sa responsabilité de fils, c'est préserver et développer une nouvelle forme de relations. Vouloir préserver à tout prix les mêmes relations avec sa famille se fera forcément au détriment de son épouse qui devra alors intégrer une famille et non construire la sienne...
D'un autre côté, la femme quitte son berceau d'amour où baignent encore les souvenirs de son enfance.
Elle "troque" le quotidien de son père, de sa mère, de ses frères et de ses sœurs pour le quotidien d'un homme qui ne comprend pas pourquoi sa douce bien-aimée ne coupe pas ses liens avec eux...
Il faut laisser le temps à son épouse de comprendre ce qui lui arrive. Il faut lui laisser le temps de comprendre l'ampleur de ses nouvelles responsabilités.
Les relations se réaménagent alors.
Il faut faire un effort de romantisme (mot qui sonne faux à l'oreille de certains et qui était pourtant une vertu de notre bien-aimé, que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) pour aider sa bien-aimée à émigrer de la terre de l'enfance à la terre des responsabilités.
Une fois de plus, précisons que ceci ne signifie évidemment pas de couper court ses relations avec sa famille mais plutôt de les réadapter.
La préparation au mariage est souvent réduite à la prise de connaissance des droits et des devoirs de chacun (les livres abondent dans ce sens). N'est-ce pas, d’une certaine manière, aborder le sujet de façon pessimiste ou, tout du moins, partielle ? Il y aura forcément des conflits et il faut donc établir un contrat sec de vivre ensemble qui va résoudre tous les conflits, à l'image d'une entreprise, avec un règlement intérieur…
Par exemple, dans le bus, il est écrit près des fenêtres : « Ouverture et fermeture des fenêtres : vous pouvez ouvrir ou fermer les fenêtres selon votre désir. En cas de désaccord entre voyageurs, priorité est donnée à celui qui souhaite fermer la fenêtre ».
Faut-il donc vivre une vie conjugale où l'on se regarde et où l'on ne s'aime qu'à travers la sauvegarde de ses intérêts propres ? Le mariage n'est-il qu'un compromis entre deux ego farouchement opposés à tout sacrifice ou à toute concession ? Tel je suis et tel je resterai ! Et tu devras composer avec cette réalité !
Si les droits et les devoirs demeurent des frontières qu'il ne faut pas approcher, le bel édifice reste à construire à l'intérieur de ce domaine.
J'ai constaté que beaucoup de couples se fragilisaient pour des raisons similaires : perte de confiance en l'autre, manque de respect puis perte d'amour... A mon avis, un homme doit être un pilier dans sa famille, c'est-à-dire qu'il doit installer une atmosphère d'écoute, de respect et doit rassurer par sa présence.
La confiance en l'autre est une richesse qui doit s'ancrer dans le couple : ne jamais douter de l'autre car la suspicion malsaine détruit l'amour.
"Trouve mille excuses pour ton frère !" comme le rappelle un hadith prophétique : et si l’on en trouvait simplement une, combien de malentendus ne seraient plus ?
Et si ta moitié a commis une erreur, faut-il la condamner à jamais et ne plus lui faire confiance ?
Si l'homme ne fait plus confiance à son épouse, c'est un pilier qui s'écroule et la femme n'a plus sur quoi s'appuyer.
La confiance est la richesse la plus importante après l'amour Touche pas à mon argent !
L’argent est une autre cause de conflit. En effet, beaucoup de femmes souffrent de l'avarice de leurs époux, à l'image de Hind qui se plaignait au Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) de son époux Abou Soufiane nouvellement converti.
La relation que l'on a avec l'argent n'est pas toujours très saine et plus l’on en a, plus l’on en veut. Il existe des couples possédant un compte commun et qui partagent la responsabilité de la gestion de leurs biens. Personnellement, je trouve que c'est la meilleure façon d'impliquer pleinement son épouse. En revanche, le fait de la priver du minimum, voire de se méfier de ses dépenses en lui refusant systématiquement l'accès à son argent, est indéniablement source de nombreux conflits.
Se détacher de l'avoir tout en se concertant pour apprendre ensemble à gérer nos biens communs est un grand défi dans notre époque matérialiste. La meilleure dépense pour plaire à Dieu est celle faite pour ses proches.
Un couple qui n'est pas engagé à l'extérieur sur un projet d'appel ou de construction au sein de notre communauté risque de mourir.
L'essoufflement est le propre de l'homme et beaucoup ont découvert la foi avec beaucoup de ferveur et ont fini par être emporté par la vie matérialiste et le métro-boulot-dodo.
L'homme, comme la femme, qui est engagé dans diverses activités (spirituelles, associatives, sociales...) fait respirer son couple. D'abord, parce que l'on quitte le confort et la chaleur du foyer pour l'amour de Dieu. La satisfaction de Dieu se traduit alors en surplus de miséricorde dans le foyer. La flamme est sans cesse ravivée. S'il n'y a pas de projet et que la famille reste enfermée sur elle-même il y a risque d'étouffement. On se lasse de tout, même des bonnes choses en grandes quantités.
Grande est la tentation de quitter le terrain d'Appel pour essayer de résoudre les difficultés rencontrées dans sa vie de famille, mais ces difficultés, en général, ne font que croître. Tu as prétendu aimer Dieu à un moment de ton cheminement ! Te voilà donc éprouvé. Et si tu es absent du terrain de l'effort et de l'Appel, où crois-tu que Dieu t'éprouvera ? Dans ta famille, tes enfants, ton travail...
Si tu oeuvres pour Dieu, Dieu s'occupe de tes affaires internes.
Quand le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) sortait sur le terrain d'Appel, ne disait-il pas :
"O Dieu Tu es le Compagnon dans le voyage et le garant (Khalifat) pour notre famille".
Toutefois, il faut trouver le savant mélange qui donne sa place à chaque chose et ne pas transformer son investissement associatif en une fuite de ses responsabilités et de sa vie de famille.
Le mariage est une occasion de se découvrir, de se rapprocher du Créateur, de changer, de cheminer. C'est une merveilleuse opportunité de se réformer de l'intérieur, d'apprendre à se connaître à travers le miroir de l'amour. Ta moitié verra en toi ce que beaucoup ne voient pas. Tu ne peux plus faire semblant dans ton couple, c'est ta vraie nature qui ressort. Si tu es bien avec tes frères et sœurs , tu ne vis pas avec eux et ils ne connaissent pas ta vraie nature. Ainsi le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui) nous enseigne que le meilleur d'entre les hommes est le meilleur avec son épouse (la réciproque est évidemment vraie !) Voilà un baromètre qui ne trompe pas !
Tu veux connaître ta valeur ? Demande-le à ta moitié (l'autre moitié du couple). Tu veux connaître l'état de ton ego, l'importance que tu lui accordes ? Regarde la place que tu laisses à ta famille dans leur épanouissement, pour leur bonheur. L'effacement est une étape incontournable pour atteindre Dieu, et si l'ego est ménagé au milieu de personnes vertueuses, il est malmené au milieu des siens, au quotidien. Ainsi, le Prophète (que la paix et les bénédictions de Dieu soient sur lui), lors du retour d'une expédition avec ses compagnons vers leurs demeures leur dit qu'ils revenaient de la petite guerre vers la grande guerre.
La vie de couple devient alors une école d'éducation où l'on se corrige mutuellement et où l’on fait des efforts quotidiens pour se changer et permettre à l'autre de trouver suffisamment d'espace pour s'épanouir et pour respirer.
Combien de personnes expriment le sentiment d'étouffer dans leur couple... Cet étouffement n'est en fait que le sentiment d'exister pour l'autre : l'ego de ma moitié prend trop de place !
C'est ce qu'on appelle l'égocentrisme. Mon petit monde (ma famille) tourne autour de mon ego.
Que Dieu fasse de nos familles des modèles en matière d'amour et de miséricorde à l'heure où les familles sont disloquées et où les enfants sont tiraillés dans des familles recomposées.
Merci à ma mère, merci à mon père d'avoir surmonter toutes leurs difficultés et leurs épreuves pour nous permettre de vivre l'amour, le confort et la chaleur dans une famille unie
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